Je t'analyse, tu t'entraîne. (P.V. Reyna)

Un autre. Encore! Est-ce que tous ses malheurs allaient finir par cesser? Est-ce que ses membres allaient finir par la soutenir et ne plus l’abandonner? Beaucoup de Seccyeths était tombés en dépression depuis la mort des dragons, et les suicides avaient étés nombreux parmi ceux qui étaient restés sur Enkidiev dans le but de se venger, parce que la vengeance ne venait pas assez rapidement et que les remords, le sentiment d’avoir abandonné son dragon, les rongeaient toujours.

Alors que Reyna avait été attribuée, trois ans plus tôt, à un jeune Seccyeth fringuant mais qui avait perdu sa bête, elle était désormais sans Maître. Le jeune homme n’avait pas été capable de supporter davantage la pression que lui causait ses souvenirs malheureux et avait mis fin à sa vie de la même façon que bon nombre de ses prédécesseurs : Il s’était jeté dans l’océan, là où aurait dû se trouver le territoire de Fée, la cause de ses tourments.

Beaucoup disait, dans ces temps-là, que le suicidaire n’avait pas volontairement mit fin à ses jours mais que, comme bien d’autres, il avait simplement essayé de trouver la solution pour trouver le Royaume disparu et qu’il en était mort. Mais Khanrell ne se berçait pas ainsi d’illusions sur le courage de l’ancien Maître de Reyna… Il s’était juste suicidé.

Il ne lui restait plus beaucoup de Seccyeths disponibles, alors il lui fallait réfléchir correctement à qui elle confierait la jeune fille. En attendant, elle s’assurerait que l’adolescente ne soit pas trop bouleversée par l’événement malheureux qui la frappait et s’occuperait de surveiller que son moral ne descende pas trop bas. Elle prétendit donc vouloir continuer son entraînement afin qu’elle ne perde pas la main au combat, mais c’était surtout pour vérifier son comportement.

Elle la convia à l’extérieur du Château d’Argent, sur le terrain d’Entraînement. C’était une petite cour sans construction, parsemée de mannequins en bois et de cibles. Khanrell était passée à l’armurerie avant de rejoindre Reyna à leur point de rendez-vous. Elle songea qu’elle avait probablement déjà apprit à manier les armes de base, l’épée et l’arc en l’occurrence, puisque c’était les première qu’on montrait. Elle lui emmena donc un simple bâton, qui ne semblait d’abord pas dangereux, et le lui tendit.

Khanrell se débarrassait rarement de ses armes personnelles, mais cette journée-là elle ne les avait pas mis, elle ne portait que son bâton et son armure de cuir souple. Pour le reste, elle était inoffensive. Elle ne craignait pas d’attaque en plein cœur d’Argent, mais cette soudaine imprudence la rendait tout de même un peu nerveuse.

-Tu te demandes surement Reyna pourquoi je ne t’ai donné qu’un innocent bâton. Il semble que cette arme ne peut pas être dangereuse, enfaîte beaucoup de soldats ne la considère même pas comme une arme, mais ils se trompent. En combat, lorsque tu lutte pour ta vie, il se peut que tu perdes ton arme. Des chevaliers d’expérience pourraient t’enlever facilement ton épée si tu te retrouvais sérieusement à te défendre. À ce moment-là, tu devras sauver ta peau avec ce que tu trouveras sous ta main. Le fait que tu sois capable de te battre avec n’importe quel objet te donne donc un immense avantage, en plus de déstabiliser ton adversaire. Il croira que tu n’as aucune chance de le vaincre et baissera donc sa garde, croyant avoir affaire avec quelqu’un de désarmé et donc d’innocent.

Khanrell tendit ses deux bras biens droits en avant d’elle, tenant fermement le bâton à l’horizontale.

- Montre-moi comment tu penses t’y prendre.

Khanrell n’était jamais un maître qui démontrait de la douceur envers ses élèves, mais il ne fallait pas croire qu’elle n’avait pas de cœur, elle n’était juste pas démonstrative. C’est parce qu’elle ne voulait pas qu’on lise en elle comme dans un livre ouvert, alors elle se renfermait comme une huître pour paraître sans cœur afin qu’on ne s’intéresse pas à elle. Et pendant ce temps-là, elle analysait l’âme de la personne en face d’elle pour trouver ses faces cachées.

Reyna était dévastée. Il y avait deux semaines, le maître qui lui avait été attribué il y a de cela trois ans, s'était suicidé suite à la guerre où ces maudites Fées avaient fait disparaître nos dragons.
Pour la jeune fille, la perte de son dragon avait été déchirant mais pas au point de se suicider. Elle tenait trop à la vie.
Dès que l'Ordre avait appris le décès du Seccyeth, Reyna avait été confié au chef de l'ordre, Khanrell, une jeune femme de vingt-cinq ans stricte et sachant se faire obéir sans toutefois être super responsable. Comme tous le monde, la jeune fille de quatorze ans la respectait et encore plus que n'importe quel Seccyeth, seulement, elle était aussi une adolescente.
Elle détestait les ordres froids et qu'on attende d'elle qu'elle se prosterne et obéisse à chaque ordre sans protester.

Aujourd'hui, Khanrell l'avait convoqué dans l'arène d'entraînement de la Colonie d'Argent, la base de l'Ordre. Les mannequins de bois y étaient nombreux ainsi que les épées, poignard et, l'arme que Reyna aimait par-dessus tout et qu'elle maniait le mieux, l'arc.
Cependant, son maître de remplacement ne tenait qu'un insignifiant bâton. La femme la vit et la salua avant de lui expliquer le programme.

Khanrell lui dit que personne ne prenait ce bâton pour une arme, qu'ils avaient tort et qu'il était important de savoir manier n'importe quoi parce que des fois, quand l'ennemi nous désarme, on n'a que ça sous la main.
Elle lui tendit ensuite le bâton et lui demanda de lui montrer comment elle s'y prenait.

Reyna avait déjà aborder la lance avec son défunt maître, elle n'eut donc aucun problème à se mettre en garde devant l'un des mannequins de bois.
Elle fit semblant d'esquiver un coup et assenna une tape du bout du bâton sur le bras de son "adversaire". Khanrell lui tournait autour en étudiant chacun de ses mouvements ce qui la déconcentrait.
Elle ferma les yeux et visualisa son adversaire en imaginant que c'était un Enkiev en face d'elle. La jeune fille fit claquer le bâton sur la tête du mannequin mais il lui glissa des mains et tomba à terre.
Reyna resta pétrifiée et sut qu'en cas de guerre, cela lui aurait coûtée la vie.

L'adolescente se demandait bien pourquoi elle l'avait fait glissé.

- Qu'ai-je fais de mal pour que ce bâton m'échappe maître ?

La petite Reyna était une Pardusse, ce qui facilitait la tâche de Khanrell pour comprendre les émotions sur son visage. Il était évident qu’elle était très ébranlée et la Seccyeth redoutait qu’elle ne se donne pas à son cent pour cent puisqu’elle n’était pas vraiment en état de travailler très fort. Elle n’était probablement venue à sa leçon que de corps et non d’esprit. Ça risquait de lui poser des problèmes surtout qu’en tant que vraie Pardusse, la jeune fille semblait elle aussi avoir un caractère dominant tout comme la chef, ce qui ne serait donc pas du gâteau pour elle de se faire autoritaire.

L’adolescente commença à frapper sur un mannequin avec son bâton, mais elle le maniait comme s’il s’agissait d’une lance, avec son extrémité, plutôt que de profiter de toute la superficie de l’arme. Une lance possède un bout piquant, mais pas un bâton, il est donc inutile de se limiter à une seule zone de l’arme alors que tout ce qui compose l’objet peut blesser. C’est ça l’art de se servir de n’importe quoi pour se battre. Quand on est désarmé et désavantagé en combat, il faut prendre n’importe quoi, et se servir de toute l’ampleur de l’objet qui nous tombe sous la main. Si c’est une théière, eh bien ce sera une théière et il faudra en profiter au maximum, en frappant de tous le poids.

L’adulte tournait autour de la gamine en l’examinant, mais elle portait très peu d’attentions à ses mouvements maladroits, elle vérifiait plutôt son attitude, elle semblait ennuyée, comme si cette leçon n’était que le moindre de ses soucis. Elle pensait certainement à son maître, ce qui l’empêchait fort probablement de constater qu’elle se battait avec un bâton, et non une lance. À un moment, elle ferma les yeux, et Khanrell se demanda bien pourquoi. C’était idiot de fermer les yeux en plein combat, peut importait si c’était un entraînement ou une situation réelle. Cela donna l’impression à la Chef qu’elle se fichait éperdument de ce qu’elle faisait. Décidée à lui montrer qu’elle faisait une erreur, la Seccyeth prit donna un coup léger sur le bâton de l’apprentie avec le sien. L’adolescent eut l’air vraiment embêtée d’avoir laissé tomber son arme, et demanda à son Maître comment cela pouvait-être possible. Comment pouvait-elle avoir tout bonnement échappé son arme?

- Parce que tu n’étais pas assez attentive Reyna… Tu n’as pas échappé ton bâton, je t’ai désarmée. Pourquoi fermais-tu les yeux? On ne doit jamais baisser sa concentration en combat, même contre un mannequin, car tu risquerais de faire une erreur de la sorte contre un adversaire que tu croirais inférieur à toi. Tu dois toujours supposer que tout le monde est plus puissant que toi et que tu te bas pour ta vie à chaque instant, même contre cet objet inanimé. Ça aurait pu être un Chevalier expérimenté déguisé en pantin? Les pièges sur ta routes seront nombreux car tu représentes la relève de notre armée, les traîtres sont partout, alors n’aie confiance qu’en toi-même et soi toujours sur tes gardes. Ça peut paraître paranoïaque, mais n’oublie jamais que j’aurais pu te tuer pendant ton entraînement car tu as fermé les yeux, alors, n’importe qui aurait pu faire pareil…

Khanrell lui fit un léger signe pour lui montrer qu’elle devait reprendre son bâton, et elle se mit entre elle et le pantin. Elle frappa le mannequin en utilisant toute la surface du bâton, avec beaucoup plus de vitesse que si elle n’avait utilisé que le bout. Le centre et les extrémités touchaient la cible. Rapidement, elle l’acheva, faisant tomber la tête de foin de son adversaire empaillé, avec la seule force de la pression d’un objet qui s’était transformé en arme l’espace d’un instant.

- Tu as vu la lance avec ton ancien Maître n’est-ce pas? demanda-t-elle en surveillant la réaction de l’adolescente lorsque mentionna le défunt. c’est évident puisque tu maniais ton bâton comme s’il s’agissait d’une lance, mais ça en est pas une. Tu seras beaucoup plus rapide et efficace si tu n’utilises pas que le bout de ton bâton, mais toute sa splendeur, tu pourras ainsi porter deux coups à la fois plutôt qu’un entre chaque interruptions. Comme je viens de le faire. Pense que c’est un objet banal mais qu’il faut que tu blesses avec. Tout son poids et sa superficie doit servir, ne gaspille pas sa force, il est redoutable. Essaye sur un autre mannequin.

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» Rencontre d'un Maître et de son Apprenti (PV Reyna)